Jour du souvenir : hommage aux victimes de la déportation

Le dernier dimanche d'avril est chaque année dédié à la célébration de la mémoire des victimes de la déportation. Voici un texte de l'Amicale du Train de Loos.

«  En cette fin d’après-midi du dimanche 22 avril 1945, tous les regards se braquent sur la grande porte du camp. Je vois un soldat russe pousser la grille, il a le visage noirci, sale. Je remarque une montre à son poignet. Je lui lève le bras pour lire l’heure : il est 17h10 »

C’est en ces termes que le matricule 64771 , relate la libération du Camp de Sachsenhausen, Sachsenhausen où 8 mois plutôt arrivait  le Train de Loos avec ses 871 déportés.

Les libérateurs russes vont y découvrir 3000 prisonniers,  mourants ou trop affaiblis pour marcher et qui n’ont pu être évacués par les SS.

Dès le 2 février le Reichführer Himmler avait donné l’ordre de préparer l’extermination des détenus de Sachsenhausen,  c’est ainsi que, au cours des mois de février, Mars 1945, par une extermination quotidienne,   5000 détenus malades ou inaptes au travail  seront assassinés au camp de Sachsenhausen,

Et c’est les 20 et 21 avril que  33000 détenus quittent  le camp à pied par groupes de 400 encadrés par les SS, ce sont les trop fameuses « marches de la mort » dont la destination finale est la Baltique où ordre est donné d’embarquer les survivants sur des cargos et de les  couler en mer  . Des milliers de prisonniers épuisés, malades, ne survivent pas à ces marches qui couvrent 50 km quotidiennement sous la pluie , le froid, les coups et sans aucune nourriture.

Ceux qui ne  peuvent plus marcher sont abattus systématiquement. Sur les 33000 détenus partis du camp de Sachsenhausen, ce sont 18000 survivants qui seront libérés le 1er mai près de Schwerin par les alliés , 15000 d’entre eux sont morts en route. On peut trouver aujourd’hui en Allemagne dans les villages traversés à l’époque par les déportés sur une distance de 250 km, une plaque commémorative sur laquelle est inscrit « TODESMARSCHE » (marches de la mort).

Depuis le début de cette année est commémoré  le 75ème anniversaire de la libération des camps nazis, les cérémonies d’Auschwitz-Birkenau ont lancé le terrible cortège de ces commémorations. Mais plus que la libération, c’est avant tout  la mémoire des 596 disparus  du Train de Loos  que nous voulons honorer aujourd’hui, morts dans une misère et une détresse totale   et dont Yves Le Maner a pu reconstituer le destin :

6 sont morts dans les wagons au cours du transport depuis Tourcoing

70 au camp de Sachsenhausen et ses kommandos

63 à Bergen Belsen

46 à Dachau et ses kommandos

42 à Kochendorf

43 à Buchenwald et ses kommandos

24 durant l’évacuation de Kochendorf à Dachau

17 à Karlshagen

10 à Wattenstedt (les terribles fonderies d’Hermann Göering)

13 à Mathausen et ses kommandos

8 au mouroir de Sandbostel

16 à Ravensbrück et ses kommandos

3 au camp de Vaihingen

6 ont disparu   dans le naufrage du Cap Arcona

et dernier camp libéré :  Neuengamme,  où 111 déportés du Train de Loos auront trouvé la mort au camp central et dans ses nombreux kommandos à l’arrivée des anglais le 4 mai 1945 le camp est vide,et parfaitement nettoyé, comme ailleurs les nazis ont essayé d’effacer les traces de leurs crimes.

Enfin  pour  83 déportés du train de Loos  disparus, leur sort est inconnu. Et 35 mourront à la libération ou dans les jours ou semaines qui suivirent leur retour.

En simplement 8 mois de détention  vont disparaître au terme d’un martyre, d’un calvaire sans nom,  596 hommes partis le 1er septembre pour la plupart dans la vigueur de leur jeunesse,  encore confiants alors  dans l’issue du conflit. Cette liberté si proche, cette liberté tant espérée que leur annonçait le canon, juste avant leur départ de leur prison de Loos, seuls 275 d’entre eux  la découvriront au retour de l’enfer, une liberté qu’ils sont loin de pouvoir fêter car ils sont pour la plupart malades, grabataires, détruits dans leur chair et dans leur âme.

Le visage des derniers survivants du Train de Loos  qui ont tous œuvré, leur vie durant, à transmettre leur témoignage, va bientôt s’estomper.

Une page de l’humanité se tourne dans des conditions brutales et en dépit de l’actualité sombre que nous traversons,  il nous appartiendra demain  de reprendre leur flambeau pour que jamais ne s’éteigne ce travail de mémoire 

Aujourd’hui, tous unis, nous voulons glorifier  leur souvenir  et leur dire que toujours ils resteront présents dans nos cœurs.

Loos, le 26 avril 2020

Le Bureau de l’Amicale