Lili Leignel : "Je suis une sursitaire encore en vie"

Rencontrer et écouter Lili Leignel est l'assurance de ressortir empli de confiance et d'espoir. Déportée à l'âge de 11 ans pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle se rend très régulièrement auprès d'élèves pour raconter son histoire. Mais plus encore, c'est une véritable leçon de vie sur le monde qui nous entoure.

Lili Leignel et ses deux frères ont été libérés du camp de Bergen-Belsen par les Anglais le 15 avril 1945. 75 ans après, l'Europe et la France s'apprêtent à commémorer la libération des camps. Pour Lili Leignel, ce sentiment n'est apparu que tardivement : "Je me souviens très bien quand les Anglais sont entrés dans notre bloc, j'ai vu le désarroi dans leurs yeux, il faut dire que nous étions dans un triste état. Nous étions contents mais à la fois tristes" raconte-t-elle. Les membres de leur famille ayant été séparés, ce n'est qu'une fois rentré en France que Lili et ses frères ont compris.

"A l'heure actuelle, la libération a davantage de sens pour moi. Je devais périr et je suis encore là, c'est très important à mes yeux !" dit-elle.
Comme Lili Leignel le dit si bien, l'important n'est pas de revenir sur l'histoire tragique qu'elle a vécue, mais "de dépasser la haine".

Jusqu'à pardonner ? "Je fais la différence entre le peuple allemand, qui a été le premier à s'élever contre ces horreurs et les nazis, auxquels je ne pardonnerai jamais" répond-elle, avant de poursuivre : "mais 75 ans après, il n'est plus temps de rester dans cette émotion vive, j'en suis détachée" précise Lili.

« Que l'on soit blanc, noir, catholique ou musulman, ne sommes-nous pas avant tout des êtres humains ? »

Les témoignages ont débuté à l'apparition du négationnisme : "je ne pouvais pas supporter qu'on dise autant d'atrocités". Les élèves des établissements scolaires ont rapidement été son principal public : "Ceux qui m'auront entendu pourront s'en souvenir, et transmettre à leurs enfants.. Ce sont mes petits messagers" sourit Lili.

Un livre pour garder une trace de son histoire 

"Je suis encore là", c'est le titre de son livre paru en 2017, réclamé par les élèves et les enseignants. "Je disais toujours aux enfants que c'était mieux de me voir que de me lire, mais j'ai compris que je n'étais pas éternelle, et qu'il fallait penser à l'après". Car pour Lili Leignel, "Témoigner, c'est le but de ma vie, maintenant" nous dit-elle. "Je leur dis que j'avais leur âge quand j'ai été arrêté, et ils m'écoutent avec une grande attention".

"Certains enseignants me demandent comment je fais pour capter autant l'auditoire. Je leur réponds que les enfants ressentent les émotions que je veux leur donner, ils ressentent l'amour et sont émus. Ils me le rendent bien, c'est ce qui m'aide à poursuivre".

« Les enfants sont émus. Ils me le rendent bien, c'est ce qui m'aide à poursuivre ! »

Les enfants vont même jusqu'à se confier, un phénomène éprouvé par de nombreuses lettres reçues par Lili Leignel à son domicile, à la suite de ses témoignages dans les écoles. "J'ai rencontré 23 657 élèves en une année, avec parfois jusqu'à 40 lettres reçues après un passage dans une école" nous précise-t-elle. "En février dernier, j'ai même reçu une lettre d'une petite fille, Océane, qui me confiait ses problèmes à la maison, ses souffrances. Mais je n'avais pas ses coordonnées ! Aujourd'hui, je l'ai retrouvée et je vais pouvoir lui répondre, c'est formidable !" sourit Lili Leignel.

Son message pour les futures générations, c'est aussi le leitmotiv de sa vie : "Combattre le racisme, la xénophobie, car le mal est partout. Maintenant que nous connaissons la réalité, soyons courageux à dénoncer l'injustice !"
Une belle leçon à retenir, 75 ans après la fin d'un épisode sombre de l'histoire.